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06 juillet 2010
Regardez les ados et prenez leurs idées !
La contribution de Gilles Masson, président de M&C Saatchi.GAD, déjà parue dans une précédente lettre, est pleine d’idées !
Dans un monde ROIste : parlez avec vos enfants, vos ados. C’est étonnant de voir le décalage entre une société où ont lieu régulièrement de grands débats structurants ("la juvénilisation" des sociétés, l’obsolescence accélérée des savoirs, les bouleversements des schémas sociaux...) et les entreprises qui ne l’intègrent pas dans leurs pratiques.
Je résumerai en une phrase le fait sociologique majeur qui bouleversera tout : nous sommes la première génération dans l’histoire de l’humanité à apprendre de nos enfants. Et pourtant, peu de communicants, marketeurs, industriels en tirent la conclusion évidente : passez plus de temps avec vos enfants, observez-les, parlez-leur, vous en apprendrez plus de leurs comportements que des batteries d’études quantitatives déjà obsolètes dès parution. Et surtout des conclusions très opérationnelles sur le futur proche.
Quelques faits marquants. Quand on parle avec des ados, on comprend que :
- Dans l’apprentissage scolaire ou professionnel, le multi-tasking est plus structurant que la concentration.
- La vitesse de l’info est plus importante que l’info. Le critère de scoop est déterminant, d’où la "folie twitter" qui peut informer avant les sites de presse ou de télé. (Reuters demande à ses journalistes de ne pas balancer des scoops sur Twitter avant qu'ils ne soient publiés sur Reuters, CNN voit maintenant Facebook comme son principal concurrent).
- Le détournement, y compris celui de la loi, est un sport collectif; une loi Hadopi "mal ficelée" fabrique des pirates.
- L’ordinateur, ça pourrait bientôt être fini ("je n’en n’ai pas besoin"), car le téléphone mobile l’a déjà dépassé et est devenu le membre le plus important de la famille (la première chose que l’on regarde en se réveillant, et la dernière en se couchant).
- Le marketing conversationnel est peut-être le nouveau mythe à la mode. Les jeunes rejoignent moins la Fan-page Facebook d’une marque pour discuter avec elle que pour la porter en valeur de badge pour les potes.
- Le rapport à l’autorité est bouleversé ("ma boîte est en période d’essai") avec son corollaire sur ce qui fait référence ou légitimité.
- Chacun a une identité multiple et fluctuante et puise en temps réel dans un réservoir d’archétypes en libre-service.
- Le développement durable, pour les jeunes, est autant humaniste qu’environnemental. Et même sur leurs engagements, les jeunes pratiquent le zapping.
- La fin de l’intimité semble assumée ("Big Brother is watching me... SO WHAT ?") même si elle constitue le nouveau terrain de jeux des DRH et directeurs informatiques. Corollaire à venir, la fin de la confidentialité pour les salariés dans les entreprises.
Le progrès, concept hasardeux, n’est plus un continuum mais une succession accélérée de ruptures. Quant à la rupture générationnelle, elle n’est plus dans la rébellion face à des autorités qui ne font plus autorité, mais profondément dans ces nouveaux comportements "mutants" qui doivent être le socle d’inspiration de l’innovation de demain.
Gilles Masson, Président/Fondateur de l'agence M&C Saatchi.GAD
20:00 Publié dans Bonnes idées | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gilles masson, m&c saatchi.gad, twitter, reuters, cnn, facebook, developpement durable, big brother
Commentaires
Votre lettre mensuelle est toujours intéressante et je vous lis avec plaisir.
Permettez-moi toutefois de venir interroger légèrement un de vos propos :
" nous sommes la première génération dans l'histoire de l'humanité à apprendre de nos enfants."
Or un passage de mon livre à venir sur l’histoire du marketing (Le marketing et son histoire ou le mythe de Sisyphe réinventé. Pocket Collection Agora) reviens justement sur ce qu'un historien a appelé la culture-monde et sa diffusion par les jeunes dans les années 1960.
" L’anthropologue américaine [1] Margaret Mead propose, la première, une analyse sur les processus d’apprentissage culturel pour suggérer la nouvelle place conférée à la jeunesse. Dans les sociétés dites « primitives », les enfants sont instruits avant tout par les parents. C’est la culture dite « post-figurative ». L’éducation favorisée dans les sociétés fondées sur le développement technique (les pays développés) est co-figurative c’est à dire que les enfants comme les parents apprennent de leurs pairs. Le troisième cas de figure était inédit selon Margaret Mead car ce sont les enfants qui transmettent aux parents, soit la culture pré-figurative. Selon l’anthropologue américaine, ce dernier phénomène a été rendu possible par la culture de masse ou juvénile et ses effets vont se diffuser à l’ensemble du corps social. L’enfant devient prescripteur dans les choix de ses parents en même temps qu’il acquière de l’autonomie dans ses dépenses personnelles. ”
[1] Margaret Mead, Le Fossé des Générations, Paris, Denoël-Gonthier, 1971 (1970 pour l’édition américaine), pp 24 et 28 in JF Sirinelli, La culture de masse en France, op.cit.
Je pense dès lors que le mouvement actuel n’est pas nouveau mais prolongerait au contraire un élément identifié dans les années 1950-60. C’est peut-être ce qui m’autorise un certain optimisme puisque cette période reste dans la mémoire collective comme glorieuse.
Écrit par : Thierry Maillet | 15 juillet 2010
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