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23 novembre 2010

Le métier de dircom change... ou va disparaître ?

Le récent livre qu’Hugues Le Bret, ancien dircom de la Société Générale, vient de consacrer à l’affaire Kerviel apporte un regard stimulant sur le métier de communicant. (« La semaine où Jérome Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial » ; édition Les Arènes)
Au-delà des questions éthiques liées à une telle publication, puisqu’il s’agit de raconter la façon dont a été pilotée cette crise vue de l’intérieur avec  de nombreuses informations concernant les personnes, on peut être surpris par le sous titre : "journal intime d’un banquier". Ayant eu le privilège d’être directeur de la communication  en banque et assurance*, nous préférions nous présenter comme "un communicant qui travaille dans une banque ou une compagnie d’assurance".  Un dircom peut-il se revendiquer être l’expert du secteur dans lequel il travaille ?
Avoir contribué au sauvetage de l’entreprise autorise sans doute Hugues Le Bret à se revendiquer naturellement banquier. Et on est tenté d’adhérer à cette posture. Le  récit détaillé qu’il nous livre met en évidence le « risque systémique mondial » et celui plus immédiat de se faire « acheter » par BNP Paribas. L’objectif de communication était de créer les conditions pour conserver l’entreprise et de trouver à la recapitaliser rapidement. Et la mission a été réussie.
Cette situation incroyable a mobilisé les dirigeants et progressivement les collaborateurs. On comprend facilement l’importance de la communication pour sauver l’entreprise. Le livre survalorise sans doute un peu cette dimension face au travail des banquiers et autres analystes, gestionnaires...
En revanche, ce qui n’est pas évoqué dans ce document, c’est bien  la communication  autour de la marque. Or, en période normale, c’est un capital essentiel qu’il s’agit de développer et qui fait l’objet de toutes les attentions. On remarque donc qu’en période de crise, la marque ne dispose plus de la même considération ! Et notre super-dircom, sauveur de l’entreprise a choisi ses priorités. Ce qui explique le titre donné à son récit : Journal intime d’un banquier et non d’un dircom ! Car si le récit met bien en évidence le ressenti des collaborateurs et des clients, c’est selon notre lecture davantage l’entreprise qui leur répond que la marque...


Enseignement pratique : l’entreprise n’échappe pas à la prise en compte de son business model, de sa réalité économique, du réel. Et la communication contribue à la gestion de la crise comme à l’accompagnement du changement.
Mais l’entreprise s’exprime aussi par sa marque. Et on voit bien que la SG devra se pencher sur cette question rapidement.
Le grand dircom de la Société Générale est devenu banquier ! Cela signifie que si la communication est au cœur des enjeux de l’entreprise, la fonction « dircom » vit sans doute ses derniers moments. Mais réjouissons-nous car si cette fonction disparait déjà dans certaines entreprises, elle donne naissance à deux grandes fonctions où la communication est fortement présente.
D’une part une direction autour de la marque s’affiche de plus en plus. Cette fonction commence à apparaître dans bon nombre d’entreprises. Et puis une autre direction commence à émerger... autour de l’accompagnement du changement. Elle pourrait inclure la communication de crise et l’accompagnement des mutations de l’entreprise.
Le plan de communication devrait progressivement intégrer ce qui concerne l’entreprise et ce qui touche à la marque. Car si l’entreprise Société Générale existe encore, la marque est sévèrement touchée. Et une entreprise qui survit sans marque forte, cela ne cause pas de troubles visibles immédiatement, mais c’est bien un nouveau challenge pour les communicants et pour toute l’entreprise.

* Confédération Nationale du Crédit Mutuel pendant 12 ans et GAN pendant 4 ans.

Commentaires

Bonjour Bruno,
Merci de ce commentaire.
Deux observations de ma part : cela s'appelle journal intime d'un banquier parce que l'auteur est PDG de Boursorama Banque au moment de la publication. Sur l'éthique, la réponse est dans le livre ( j'y consacre un paragraphe sur le notion de confiance entre le Président et le Dircom de l'époque) : je ne fais aucune révélation sur le business model, les risques, les hommes, les secrets de fabrique, etc. de l'entreprise actuelle. Je me focalise sur l'affaire Kerviel il y a trois ans sous la direction de l'ancien management : 100 pages sur les 4 premiers jours, plus de 100 pages sur les trois semaines suivantes. Le reste sur la crise financiére de l'automne 2008. Les mots Vérité et Fidélité me semblent plus forts que le mot confidentialité (à comprendre au sens sélectif : équipe en charge actuellement et problématiques sensibles du moment totalement absentes de mon propos : ce n'était ni l'objet, ni responsable.)
C'est aussi le sens des retours que je peux avoir des 60.000 lecteurs, dont plus de 500 m'ont écrit, beaucoup de salariés Société Génerale, avec un mot qui revient tout le temps : merci.
Bien à toi,
Hugues

Écrit par : Hugues Le Bret | 30 novembre 2010

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